Extrait de l’ouvrage d’André Guigot, éditions Milan
…L’idéal est de pouvoir se défendre sans faire preuve de la moindre agressivité. Imaginez quelqu’un qui serait capable d’esquiver toutes les attaques portées contre lui, au point d’épuiser son adversaire, de lui faire entendre raison, c’est-à-dire de lui faire comprendre que la violence est en elle-même un échec, et ce sans lui faire le moindre mal ! Eh bien, cet homme existe, ou plutôt, a existé. Son nom : Maître Ueshiba, le fondateur de l’Aïkido moderne, anciennement aïki-jutsu, « technique d’évasion », d’esquive des attaques prolongées, si besoin est, par des clés, des étranglements, des immobilisations sophistiquées, esthétiques et particulièrement dévastatrices. Le maître mot est ici l’esquive : il ne s’agit pas de détruire, de faire du mal mais d’éviter avec adresse la violence et de la retourner contre elle-même. Le principe physique est simple : si l’on me pousse, je tourne, si l’on m’attaque, je rentre dans l’attaque et déstabilise mon adversaire. La beauté des déplacements fait de cet art martial supérieur un authentique ballet, très esthétique. Mais il ne faut jamais oublier que, derrière cette esthétique, il y a des milliers d’heures d’entraînement nécessaires, un idéal philosophique de non-violence et une série d’exigences qui placent la barre très haut pour l’homme moderne, souvent avide de résultats rapides, « d’efficacité ». Tout dépend alors de ce que l’on recherche. Celui qui souhaite une efficacité comparable aux fast-foods peut acheter un revolver, louer les services de gardes du corps… Après tout, c’est probablement efficace. L’idéal de l’Aïkido suppose une patience extrême, puisqu’on ne peut, raisonnablement, et contrairement au karaté ou au taekwondo, entre autres, espérer une efficacité en combat réel avant une bonne dizaine d’années de pratique. C’est vrai, c’est long… Et alors ? N’est ce pas la même chose pour tous les actes fondamentaux de la vie ? Apprendre à lire, cela prend du temps, apprendre à aimer également… D’autant plus que l’intérêt est tout simplement de pouvoir pratiquer cet art tout au long de sa vie, la vieillesse n’étant pas un obstacle, puisque le principe est d’utiliser l’énergie négative de celui qui agresse contre lui-même.
L’Aïkido développe une puissance interne par la maîtrise du souffle, et constitue par là même, au-delà d’un ensemble de techniques de combat, un authentique « art de vivre ». Les philosophies de l’Antiquité, comme le stoïcisme, l’épicurisme, étaient aussi des arts de vivre, contrairement à la philosophie moderne, beaucoup plus rationnelle et abstraite, concentré sur le développement de la pensée seule. Dans l’Aïkido, le mot « philosophie » a un autre sens, puisqu’il ne s’agit plus seulement de comprendre la réalisé mais de s’adapter à l’environnement naturel en maîtrisant toute la négativité de la violence. Les dérives mystiques sont toujours possibles, et, c’est vrai, il existe dans ce genre d’art martial des pratiques douteuses, des discours ésotériques, des charlatans qui vantent les mérites de « l’énergie interne », faute de mieux, en général pour masquer des insuffisances. C’est trahir le message des fondateurs, en particulier de Maître Ueshiba qui fut un authentique athlète et qui choisit de perfectionner sa technique par idéal de non-violence, en aucun cas par faiblesse ! A l’instar de Gandhi, la non-violence prônée dans l’Aïkido n’est pas une facilité mais un vrai choix philosophique engageant la personne tout entière, corps et âme.
Mais s’il faut consacrer tant de temps à s’entraîner pour y arriver, que se passe-t-il, précisément entre-temps ? Eh bien probablement rien. C’est là l’un des miracles de l’Aïkido. L’attitude face à la violence elle-même change, au point de rester maître de soi en toute circonstance, et de pouvoir même utiliser quelques techniques, au cas où…
A nouveau, le rapport à la nature est fondamental. Regardez votre chat. Non seulement il se déplace naturellement comme un maître (il faudra donc appeler votre minou « Sensei » !), mais il esquive les attaques comme il éviterait une branche qui tombe. Avouez qu’il n’est pas nécessaire de détester la branche d’arbre qui, l’automne venu, vous tombe dessus au milieu d’une forêt. L’idéal est d’avoir le même réflexe et la même attitude face à un coup porté par un adversaire. Nulle agressivité, nulle violence. Au-delà de l’esquive, c’est une partie de soi-même qui se transforme ; on ne voit plus le monde de la même façon, et nombreux sont les pratiquants et les pratiquantes d’Aïkido (là-aussi, les femmes sont très nombreuses !) à dire que cette discipline les a vraiment « transformés ». Comment pourrait-il en être autrement, puisque la pratique martiale et non-violente aboutit à une harmonie avec soi-même, et avec son environnement ? De nombreuses légendes circulent sur l’efficacité quasi surhumaine de maître fondateur. Pour une fois, la légende dit vrai. Mais au fond, là n’est pas l’essentiel. On ne va pas reproduire le modèle stupide de la performance sur une personne (car il ne s’agit que d’un homme…) qui a passé sa vie à le combattre ! Rêver de devenir aussi fort que Maître Ueshiba est non seulement inutile, sans doute désespérant, mais aussi contradictoire avec son message essentiel : « Apprenez à devenir vous-mêmes, à augmenter votre puissance d’agir, à dépasser votre propre violence et les conflits qui y mènent. Vous en être capables. » C’est autrement plus important dans une vie que d’imiter, forcément mal, une maîtrise sans doute impossible à égaler, et qui ne nous appartient plus. Il reste le chemin à suivre, l’idéal de sagesse pratique et technique profitable. Alors, hop ! tous en kimono ! D’autant que si vous aimez l’esthétique, vous succomberez probablement au charme de l’hakama, ce kimono en forme de jupe noire du plus bel effet…
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